Interview : L’intelligence artificielle dans les RH.

Interview : L’intelligence artificielle dans les RH.

Un rapport de situation avec Ralph Dennes, Directeur Général DACH

Les machines peuvent passer au crible de gigantesques bases de données, parcourir les CV et communiquer directement avec les candidats. Comment l’Intelligence Artificielle change-t-elle aujourd’hui les Ressources Humaines et à quoi faut-il s’attendre dans les années à venir ? Entretien avec Ralph Dennes, Directeur Général DACH chez Textkernel.

Considérez-vous que les robots sont meilleurs que de véritables recruteurs RH ?

Non, ils ne sont pas meilleurs. Mais ils sont plus efficaces et plus objectifs que les humains. Un ordinateur peut travailler beaucoup plus rapidement qu’un humain – et 24/24h. Il est capable d’analyser des données d’une manière bien plus objective et sans les interpréter. Dans ce sens, les robots sont des “travailleurs” optimisés plus adaptés à l’exécution de tâches répétitives et routinières, comme le screening, la collecte, le tri et la sélection des données, ce qui exige un haut degré de précision pour être ensuite analysées et évaluées plus en profondeur. C’est pourquoi l’intelligence artificielle s‘avère un excellent soutien pour les équipes RH, mais ne remplacera en aucun cas le spécialiste RH. Le spécialiste RH est plus apte à évaluer la pertinence et le contexte de la production, et à prendre ensuite toutes les décisions pertinentes.

L’intelligence artificielle est vraiment une technologie “de pointe” et semble surgir un peu partout de nos jours. Comment comprendre, en tant que non-expert, ce qu’est réellement l’IA ?

Ce n’est pas aussi simple – du moins, si vous voulez être véridique tout en restant compréhensible pour le grand public. L’intelligence artificielle est censée simuler l’intelligence humaine dans le but d’enseigner à la machine un comportement (d’apprentissage) de type humain. Il y a deux principaux champs d’application : les fameux machine learning et deep learning. Dans le cas du machine learning, les humains se servent d’algorithmes informatiques pour dire à l’ordinateur que faire dans une situation X ou Y. La reconnaissance vocale en est un exemple. Quant au deep learning, c’est cette fois l’ordinateur lui-même qui apprend et adapte son “comportement” aux situations. Dans ce deuxième cas de figure, nous sommes encore loin du scénario où la machine serait en mesure d’interpréter entièrement et indépendamment les données, puis d’en tirer les bonnes conclusions.

Comment l’IA est-elle aujourd’hui employée dans les RH ?

De nombreux directeurs RH et prestataires de services RH se servent déjà de l’intelligence artificielle dans leurs procédures de travail au quotidien. Un exemple de cette utilisation de l’IA par beaucoup de RH est le parsing de CV, qui se base sur la reconnaissance automatique du texte dans les CV et permet de rassembler le contenu des CV dans une base de données structurée et consultable par les recruteurs. La technologie a tellement évolué qu’elle permet désormais de scanner les modules de texte et de filtrer les mots clés. Elle peut également créer un contexte pour les mots et classer ainsi les informations. Elle sait identifier les compétences langagières tout comme les compétences techniques ou encore les soft skills. C’est quelque chose qui peut être effectué en quelques secondes et pour d’importants volumes de documents. Cela représente un gain de temps considérable pour les humains.

Les technologies de recherche sémantique en sont un autre exemple. Même si cette expression n’est pas familière de tous, tout le monde comprendra l’illustration suivante : si vous avez déjà recherché un terme sur Google, vous savez que votre requête ne renverra pas uniquement les mots entrés (une combinaison de lettres) mais elle va aussi inclure intelligemment les synonymes et “mots connexes” dans la recherche. Par exemple, la recherche “chef de projet”, permettra d’obtenir les résultats pour “chef de projets” ainsi que pour « responsable de projets » ou d’autres variations de ce titre. Les technologies de recherche sémantique visent à trouver et à afficher ce que je cherche, pas uniquement les mots clés que je tape. L’avantage pour les recruteurs, c’est qu’en lançant une seule requête, ils peuvent rechercher simultanément dans plusieurs bases de données et réseaux sociaux, puis incorporer chaque profil pertinent à leur propre base de données, le tout en quelques secondes.

Cette capacité à dépasser les préjugés personnels prend de l’ampleur dans l’univers RH. Quel est le rôle de l’IA dans ce débat ?

Pour ce qui est de faire preuve d’objectivité et de limiter les décisions basées sur des croyances et biais subjectifs, les machines battent les humains parce qu’elles ne teintent pas les résultats avec des valeurs subjectives ou des préférences personnelles. L’ordinateur analyse les faits donnés de manière complètement neutre. En revanche, il ne sera pas en mesure d’évaluer l’adéquation culturelle ou personnelle des candidats avec telle ou telle entreprise. La présence d’un recruteur RH est alors essentielle. Il s’agit de détecter des nuances lors de conversations personnelles, de sentir “si le courant passe”, si le candidat pourrait trouver aisément sa place dans l’équipe actuelle. C’est sur ce point que les recruteurs devraient et doivent se concentrer. Je suis convaincu qu’à l’avenir, les connexions interpersonnelles ne pourront et ne seront pas remplacées par l’IA .

Une expérience candidat positive contribue grandement à la réussite du recrutement, mais beaucoup de candidats sont sceptiques face aux technologies IA. Comment mieux faire accepter ces technologies IA qui améliorent nos processus de candidature ?

L’ennui, c’est que ces technologies sont d’abord utilisées pour faciliter la vie des équipes RH. Le travail des RH est encore essentiellement perçu comme un service à l’entreprise et dont le but est d’atteindre toujours plus d’objectifs avec de moins en moins de ressources. Cela justifie en soi l’adoption de nouvelles technologies. L’intérêt côté candidat est souvent une considération secondaire. Bien entendu, si les candidats doivent prendre part à un processus de candidature très complexe et pénible pour postuler à une offre d’emploi, l’expérience candidat sera globalement négative. Et là, l’IA peut perfectionner et renforcer une expérience candidat optimisée. Toutefois, le travail des RH reste avant tout de nature transactionnelle et les technologies IA sont employées dans le but de motiver les meilleurs candidats à rejoindre l’entreprise. Ce n’est qu’une fois que grandira l’intérêt des candidats pour l’IA que celle-ci sera également de mieux en mieux acceptée.

Jetons un œil à l’avenir : comment le quotidien des employés aura-t-il été modifié par l’IA ces prochaines années ?

Je crois que l’image des RH en tant que pure fonction administrative va complètement basculer. Le recruteur RH va (devoir) exercer un rôle hybride entre sales et marketing dans lequel il lui faudra promouvoir la valeur ajoutée de l’entreprise – à la fois en interne aux employés et à l’externe, aux candidats potentiels. Grâce aux technologies intelligentes, il est à présent déjà libéré des tâches répétitives et routinières. Et ce “temps libre” pourra désormais être consacré à des tâches à plus forte valeur ajoutée comme passer plus de temps avec les candidats et les employés. Avec le futur du travail, nous allons constater une prise de vitesse des cycles RH, notamment avec les Millenials et une Génération Y qui veulent changer plus souvent de postes et qui accordent plus d’importance à la formation et au développement. Si le rythme des pipelines RH est sur le point de s’accélérer, les RH devront être soutenues avec les bons outils et devenir davantage des « consultants en compétences » dans leur travail au quotidien.

Ralph Dennes est le Directeur Général DACH chez Textkernel. Il travaille avec des entreprises internationales dans la région DACH désireuses d’intégrer l’IA pour améliorer les processus RH tels que la mobilité internationale et la rationalisation des RH, en capitalisant mieux sur leurs sources de données disponibles.